L’éditorial spécial de Balguissa Sawadogo*
Ces dernières années, des voix féministes se font de plus en plus entendre. Après le mouvement #Metoo qui a permis de dénoncer ouvertement les cas d’harcèlement et de violences sexuelles dans le milieu hollywoodien, des organisations similaires en Europe, en Afrique et sur d’autres continents telles que #Balancetonporc, #Timeisup, #mêmepaspeur etc. ont permis de révéler, dénoncer et exiger la justice face à des phénomènes longtemps relayer à l’ordre du mutisme criminel.
Dans son discours d’orientation politique, le 2 octobre 1983, le leader de la révolution burkinabè, le Capitaine Thomas Isidore Sankara disait ceci : «le poids des traditions séculaires de notre société voue la femme au rang de bête de somme. Tous les fléaux de la société coloniale, la femme les subit doublement : premièrement, elle connaît les mêmes souffrances que l’homme ; deuxièmement, elle subit de la part de l’homme d’autres souffrances. »
En Afrique, à la faveur des réseaux sociaux, des campagnes féministes servent fréquemment de rempart pour dénoncer et mettre à nu les problématiques de tous genres vécus par les africaines. Le modèle patriarcal associé aux habitudes liées à certains travers de tradition ancestrale gardent la femme dans des conditions difficiles. N’est-ce pas justement par abus de langage sans doute que certains ont pris l’habitude de la qualifier de «sexe faible» ou de dire sans gêne que la pauvreté en Afrique a un visage féminin.
A ce sujet, si toutes ces campagnes de sensibilisation permettent de donner de plus en plus de la voix aux femmes, il y a certains détracteurs qui estiment que les féministes en font trop. Mais non ! Personne n’en fait trop. On en fait trop quand il n’y a rien à reprocher à l’existent.
Si l’on considère les calculs qui disent que le niveau de développement d’un pays est fonction du nombre de pauvres, alors il est clair que le développement de l’Afrique ne peut se faire sans la certitude d’un épanouissement économique, physique, psychologique, juridique de la femme africaine. Selon les projections démographiques de l’ONU, en 2050, la population de l’Afrique se situerait aux environs de 2,5 milliards avec plus de 52 % de femme. Il est inconcevable de laisser cette couche de la société en marge.
Autre fait, le féminisme n’est aucunement une «affaire des blancs». En Afrique, il est courant d’entendre que les féministes copient à la lettre l’Occident. Mais il est pertinent à ce niveau de se poser les bonnes questions réalistes. Quel est le taux de femmes violentées dans ta région ou ton village ? Quel est le nombre de filles obligées à accepter des attouchements pour obtenir un stage ? Quels sont les systèmes de protections des femmes et des jeunes filles sur les terrains des crises sécuritaires ? Combien de violeurs sont emprisonnées pour les faits commis ?
Non ! les féministes n’en font pas trop. Au contraire elles en feront plus encore car la génération actuelle n’a pas le choix que d’occuper les instances dirigeantes économiques, politiques et juridiques… C’est sur elles que repose le lourd poids d’implanter le changement pour une égalité de droits au service de la croissance équitable et durable. « La vraie émancipation, c’est celle qui responsabilise la femme, qui l’associe aux activités productives, aux différents combats auxquels est confronté le peuple. La vraie émancipation de la femme, c’est celle qui force le respect et la considération de l’homme», disait Thomas Isidore Sankara.
Des aînées ont ouverts la porte à l’école et au port de pantalon, alors nous devons savoir tirer la fermeture et mettre la boucle de la ceinture pour défendre notre épanouissement pas seulement pour nous mais pour les générations futures. Alors #letsgo !
*A propos de Balguissa Sawadogo
Balguissa Sawadogo est Directrice P.i et cumulativement Rédactrice en Chef à Ecodafrik, un Groupe de médias et technologies d’informations économiques et financières. Journaliste traitant des questions économique et financière, elle fait partie d’un réseau de 100 journalistes africains formés par la Banque Mondiale en «Journalisme pour le développement». Elle est aussi certifiée en «Journalisme d’investigation économique», initié par l’US Department Of state à Dakar au Sénégal. Femme engagée sur les questions liées à la défense des droits des femmes en Afrique, elle s’intéresse spécifiquement aux sujets portant sur l’intelligence économique, la banque, les mines, la fiscalité et l’autonomisation économique des femmes.