vendredi, 12 juin 2020 16:04

Femmes parlementaires : des avancées historiques en Afrique

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Selon l'Union interparlementaire, dans les 75 assemblées législatives que compte le continent, on recense 16 femmes au perchoir. Ces pays sont la République démocratique du Congo, la Gambie, Madagascar, le Malawi, le Mozambique, le Rwanda, l'Afrique du Sud, le Togo, l'Ouganda, la Guinée équatoriale, l’Eswatini (anciennement le Swaziland), l'Éthiopie, le Gabon, le Lesotho, le Libéria et le Zimbabwe. La région est aujourd'hui en deuxième position après l'Europe, qui compte 17 femmes présidentes de Parlement sur 70 instances législatives. Sa situation contraste fortement avec celle de l’Asie, qui en compte huit, et de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, qui n’en possède qu’une.

L’Afrique est également à la pointe de l'égalité des sexes dans le secteur privé, où la représentation féminine dans les conseils d'administration atteint des records mondiaux. Un rapport de McKinsey (a) révèle ainsi qu'un membre sur quatre des conseils d'administration des entreprises africaines est aujourd'hui une femme, soit un taux supérieur à celui de l'Europe (23 %).

Ces chiffres sont une bonne nouvelle, mais ils ne sont pas surprenants pour quiconque creuse un peu la question. L'Afrique s'est distinguée par l'introduction de mesures proactives en faveur d'une accélération de la représentation des femmes au Parlement. Actuellement, la plupart des pays africains ont au minimum instauré un quota de femmes, dont 13 pays qui réservent spécifiquement des sièges aux femmes dans leur Parlement, au-delà des quotas d’inscription sur les listes imposés par la loi ou fixés par les partis politiques. Ces sièges réservés permettent d'afficher un pourcentage élevé de femmes parlementaires, comme au Rwanda (61,25 %), en Afrique du Sud (46,35 %), au Sénégal (41,82 %) et en Éthiopie (38,76 %), et donc de garantir une plus grande diversité de points de vue dans la prise de décision législative.

Dans ces pays, l'augmentation du nombre de femmes dans les assemblées ne se limite pas à « cocher la case » de la parité des sexes, mais permet à celles-ci de jouer un rôle de premier plan dans la défense des politiques d'égalité entre hommes et femmes, et aussi d'améliorer la coopération par-delà les clivages de parti et d’ethnie. Ces politiques de genre contribuent à remettre en question les lois discriminatoires, à renforcer l’attention accordée aux questions sociales et à lever les obstacles juridiques à l'accès des femmes aux services et aux débouchés économiques. Les lois ne modifient pas les normes culturelles, mais elles constituent un point de départ essentiel dans le processus d'autonomisation des femmes. Selon le rapport Les Femmes, l'Entreprise et le Droit 2019, c'est en Afrique subsaharienne que les réformes en faveur de l'égalité des sexes dans la vie active ont été les plus nombreuses ces dix dernières années. Et ces réformes se sont poursuivies plus récemment dans 11 pays.

Cependant, et malgré ces progrès, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Des obstacles structurels empêchent toujours les femmes d'entrer en politique et d'occuper des positions plus prestigieuses. Si plusieurs pays d'Afrique favorisent la présence d’un plus grand nombre de femmes sur les bancs du Parlement, d'autres comme la République centrafricaine, l’Eswatini et le Bénin sont encore à la traîne. Et au sein même des assemblées, les femmes sont souvent cantonnées aux commissions considérées comme « douces », telles que les affaires sociales, la famille et l'éducation, par opposition aux commissions « dures », perçues comme plus puissantes et plus influentes, telles que les finances et la défense. L'un des moyens d'accroître la probabilité que les femmes puissent occuper de tels postes est l'éducation dès le plus jeune âge, comme le suggère la Banque mondiale dans son rapport Voice and Agency of Women (a).

Impliquer les garçons et les hommes adultes dans la promotion de l'égalité des sexes est aussi un levier essentiel pour combattre les normes sociales et renforcer la capacité des femmes à agir et se faire entendre. D'année en année, et dans le monde entier, les parlementaires masculins sont de plus en plus nombreux à s'exprimer en faveur de l'égalité des sexes et de son importance pour la réussite de leur pays, contribuant ainsi à faire bouger les lignes de la place des femmes dans les instances politiques. Catherine Gotani Hara, la toute première femme présidente du Parlement du Malawi, a attribué son élection à l'engagement des hommes qui ont soutenu sa campagne, estimant qu'elle n'aurait pas réussi avec le seul soutien des femmes.

 

L'Afrique devient un modèle d'émancipation politique des femmes, et de nombreux pays du continent sont à cet égard engagés sur une voie prometteuse. Poursuivre sur cette voie exigera une volonté politique plus marquée et des efforts redoublés de la part des pouvoirs publics, de la société civile et des communautés, afin d'éliminer les obstacles juridiques et structurels à la participation politique des femmes. Les parlementaires africains auraient aussi tout intérêt à partager entre eux les bonnes pratiques pour accélérer les progrès.

 

Comme l'affirme un proverbe éthiopien, « quand une femme est à la barre, les ruisseaux remontent le courant ». S'il reste des progrès à faire, l'Afrique est en tête de la course à l'égalité des sexes et je suis impatiente de voir les nouvelles avancées que nous apportera l'année 2020.

 

Nayé Bathily

 

Senior External Affairs Officer

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