vendredi, 12 juin 2020 16:08

Inégalité juridique et opportunité économique pour les femmes

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Pinelopi Goldberg, Economiste en chef, Groupe de la Banque mondialeSi l’on assiste aujourd’hui, dans le monde entier, à la montée en puissance des enjeux de l’égalité des sexes, les conditions de vie des femmes restent particulièrement difficiles dans les pays en développement. C’est une priorité que nous devons prendre au sérieux, en actant que les femmes représentent 50 % de la population et que leur bien-être est important.

L’une des formes les plus courantes de discrimination sexuelle est l’inégalité des femmes et des hommes devant la loi. Or nous manquons encore de connaissances sur l’ampleur, l’évolution et l’incidence des discriminations juridiques dont sont victimes les femmes à travers le monde. Notre rapport sur Les Femmes, l’Entreprise et le Droit viendra combler cette lacune en fournissant une base de données élargie qui couvrira 190 pays sur plus de cinquante ans. Ce projet vise à mettre en lumière les inégalités juridiques qui entravent l’accès des femmes au marché du travail et leur capacité à créer une entreprise.

Dans un document de travail récemment publié par la Banque mondiale sous le titre Gendered Laws (a), nous utilisons cette base de données pour comparer les pays dans lesquels les femmes ont les mêmes droits que les hommes et ceux dans lesquels il existe de fortes disparités entre hommes et femmes devant la loi. L’un des objectifs de cette étude est d’aider à mieux comprendre les conséquences des discriminations sexuelles sur les perspectives économiques des femmes.

Un nombre croissant de travaux de recherche montrent que la réduction des inégalités juridiques est importante pour l’autonomisation économique des femmes. Ils se limitent cependant généralement à un petit échantillon de pays pour la plupart développés et à une période spécifique. Notre base de données élargie permet de voir si ces résultats restent valides lorsque les données portent sur un plus grand nombre d’économies et sur de longues périodes.

Dans notre document de travail, nous examinons la question de savoir si l’amélioration du traitement juridique des femmes a contribué à une plus grande égalité des sexes sur le marché du travail. Selon des estimations tirées de la base de données sur les Femmes, l’Entreprise et le Droit, il existe plusieurs corrélations encourageantes : l’instauration de règles du jeu plus équitables entre hommes et femmes est associée à l’augmentation du nombre de femmes dans la population active, à la réduction des écarts de salaire entre les femmes et les hommes et à la réduction de la ségrégation professionnelle.

Il est difficile d’évaluer l’incidence des réformes juridiques. Des techniques économétriques nous ont permis d’établir que la première corrélation peut être interprétée comme une relation de cause à effet. Nous avons constaté que des lois plus équitables se traduisent par un plus grand taux d’activité des femmes. Mais l’effet direct des réformes juridiques est faible, ce qui donne à penser que la législation n’est pas le seul facteur à prendre en compte.

Cela n’est pas surprenant, sachant que la discrimination juridique n’est qu’un facteur parmi d’autres qui expliquent les disparités entre les sexes. L’adoption de lois plus équitables ne garantit pas que ces lois seront appliquées, notamment dans les pays où les normes sociales empêchent les femmes de travailler dans l’économie formelle.

Néanmoins, les lois sont importantes parce qu’elles peuvent être suivies d’effets rapides, alors qu’il faut généralement plus de temps pour changer les normes et les mentalités. La constatation selon laquelle les réformes juridiques ont une incidence sur la participation des femmes à l’activité économique montre que la loi peut entraîner des changements positifs. Il convient également de souligner que, selon notre rapport, l’effet d’une réforme juridique s’amplifie avec le temps.

Parvenir à l'égalité des sexes est un cheminement de longue haleine, qui exige une volonté politique affirmée et des efforts concertés des gouvernements, de la société civile et des organisations internationales notamment. Mais, dans ce processus, les réformes juridiques sont une première étape essentielle pour poser les bases de la parité.

L’édition 2020 du rapport Les femmes, l’Entreprise et le Droit montre que 40 pays ont introduit 62 réformes juridiques au cours des deux dernières années. Mais la situation varie fortement d’une région à l’autre, les notes attribuées allant de 49,6 dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord à 94,6 dans les pays de l’OCDE à revenu élevé (sur une échelle de 0 à 100). En moyenne, les femmes ne se voient accorder que les trois quarts des droits reconnus aux hommes à l’échelle mondiale dans les domaines évalués.

Nous espérons que la base de données sur les Femmes, l’Entreprise et le Droit servira de référence pour des travaux futurs. Après avoir dressé un tableau détaillé des discriminations de droit dans le monde, nous pourrons établir un lien avec l’inventaire des discriminations de fait et déterminer quelles politiques et interventions sont les plus appropriées pour autonomiser les femmes et leur permettre de prendre des décisions économiques qui répondent le mieux à leurs besoins et à ceux de leur famille et de leur communauté.

 

 

Pinelopi Goldberg

 

Economiste en chef, Groupe de la Banque mondiale

 

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