Alors, quand Aïssa Traoré pousse le lourd portail près de cette décharge à ciel ouvert et nous entraîne à l’intérieur de son atelier dans une maison de plain-pied, les employés de son entreprise Biobag Burkina Faso semblent vider l’océan avec une petite cuillère. Autour de tables en bois rectangulaires réparties dans ce trois-pièces, ils s’affairent consciencieusement à plier et à coller à la main des milliers de sachets en papier. Cette semaine, c’est pour une pharmacie de Bobo-Dioulasso, la seconde ville du pays. Vingt mille exemplaires à confectionner en quatre jours, du papier pour remplacer ce plastique non biodégradable, fléau environnemental qui ronge le continent. Je demande à Aïssa, qui déploie une énergie colossale pour faire vivre son activité, ce qu’elle pense de l’expression « vider l’océan à la petite cuillère ». Elle approuve d’un hochement de tête face à ce terrain vague qui ne lui inspire que tristesse. Oui, la tâche est colossale, mais que faire ? Contempler ces scènes de pollution désolantes en croisant les bras ? Attendre des autres, des politiques, qu’ils règlent le problème ? Rester chez soi ? En 2016, elle a décidé de se retrousser les manches et de combattre ce désastre écologique avec, pour seule mise de départ, 50 000 francs CFA, soit 75 euros.
Aïssa Traoré, l’écolo de Ouaga
Aïssa Traoré, l’écolo de Ouaga
Le vaste terrain vague marque la fin de la piste en terre rouge. On l’aperçoit au loin. C’est un dépotoir sauvage où virevoltent des centaines de sacs en plastique, les mêmes qui bordent les routes de la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou, et s’accrochent aux branches des arbres capables de survivre au climat. En 2014, leur production, leur importation, leur commercialisation et leur distribution ont été interdites dans ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest de 20 millions d’habitants. Ils continuent pourtant de proliférer, bouchent les caniveaux, causent des inondations, tuent les animaux qui les ingèrent et défigurent le paysage.