« Il faut que l’Europe change de regard sur l’Afrique, qu’elle arrête de n’y voir que la misère, en comparaison de ce qu’elle connaît », expliquait Justice Mukheli, photographe sud-africain au cours d’une conférence à la foire As Known as Africa de Paris, le 10 novembre dernier. À la rencontre des femmes du Burkina Faso, cette phrase résonne. Elles sont traditionnellement d’abord définies par leur statut marital et leur foyer. D’ailleurs, on dit d’une femme qu’elle est prête à être mariée le jour où elle sait cuisiner le plat national : le Thô, lequel demande beaucoup de force physique. Lorsqu’elles sont mariées, la culture burkinabè veut qu’elles soient au service de toute la famille de leur époux.
Les femmes, une position stratégique dans la société...
Alors qu’une vision européenne pourrait y déceler, en comparaison avec son histoire, un statut peu valorisant pour les femmes, la réalité est toute autre. Franck et Zacharia Anougabou, deux cousins et guides touristiques originaires de Tiébélé, racontent l’histoire de leurs mères, de leurs grands-mères, de leurs petites sœurs, épouses et voisines. Les femmes de la cour royale de Tiébélé sont les ambassadrices de la culture kasséna, ce sont elles qui construisent l’habitat traditionnel, ces cases peintes avec les symboles de l’histoire de l’ethnie.
Elles sont les seules à avoir le droit de fabriquer les poteries, outils essentiels pour préparer et conserver la nourriture de la famille. Cette tradition potière se transmet de mère en fille. Précision : elles sont peu nombreuses à détenir ce savoir et à alimenter les 67 villages autour de Tiébélé. Ce sont les gardiennes du foyer, mais aussi des actrices économiques de grande importance aux champs.
... et dans l'économie locale
Même dans les mines d’or sauvages où les hommes sont majoritaires, elles ont un rôle essentiel, à la recherche des pépites après l’extraction. Elles mêlent écologie et artisanat, en ramassant les sacs plastiques échoués dans la campagne pour réutiliser la matière première. Après les avoir nettoyés, elles en font du crochet pour donner naissance à des paniers, porte-monnaie, sacs à main, vendus aux touristes. Et créent ainsi un nouveau circuit tant écologique qu’économique.
Figures de force et de tradition, les femmes de cette région du Burkina Faso ont un rôle central dans l’organisation de la vie quotidienne. Lorsqu’un toit de l’auberge de Franck Anougabou fuit, sous la pression des pluies diluviennes pour la saison, les femmes sont appelées à la rescousse. Un signe de solidarité qui en dit long sur les rapports sociaux et économiques dans cette région de Tiébélé.